jeudi 12 novembre 2020

L'Italie de Boylesve à l'honneur sur le blog "Affinités France-Italie", association saumuroise

DE LA TOURAINE AUX ÎLES BORROMEES

Grâce à Hélène Barret, une présentation de René Boylesve et de ses deux romans "italiens", sur le blog tenu par Erwan Le Vourch : 

http://affinitesfranceitalie.over-blog.com/2020/11/des-iles-de-loire-aux-iles-borromees.html?fbclid=IwAR0EvHHfei52-S59ITkVElNryVsSrIZkFROuxIrxwOZmRP_8r7YaSsmntJU

Merci à eux pour leur initiative, et pour leur talent, dont ils ont accepté de nous faire bénéficier... puisque nous vous donnons ici une copie partielle de leur production. 

De l’Indre et Loire aux rives du Lac Majeur

"La Reine Marguerite, beau vapeur blanc du lac Majeur, alluma ses feux en quittant Pallanza, et s’engagea dans l’anse magnifique qui contient les Îles Borromées. La chaleur ayant été accablante, les passagers se félicitaient de ressentir la première fraîcheur du soir. Les uns prenaient plaisir à discerner, sur la gauche, les contours opulents de l’Isola Madre, l’Île Mère, tachant l’ombre de sa grosse masse obscure ; les autres, à regarder naître au long des contours capricieux du lac, les mille lumières des embarcadères, des hôtels et des villas. Mais un charme très spécial, et nouveau pour la plupart d’entre eux, venu du lac que la nuit flattait, ou bien des rives fleuries de lauriers-roses, enveloppait et pénétrait jusqu’aux natures les plus insensibles."

Isola Bella © erwan le vourch

Ces lignes sont le début d’un roman écrit en 1898 : Le Parfum des Îles Borromées. L’auteur est René Boylesve et, il faut se rendre à l’évidence, en 2020, les Français ont oublié son nom. Pourtant il fut célèbre en son temps et, en 1918, l’Académie française en fit un immortel en l’élisant au fauteuil 23.

 

René Tardiveau vient au monde à Descartes, alors la Haye-Descartes, le 14 avril 1867. Son père était notaire dans cette petite ville de province. René perd sa mère le jour de ses quatre ans et il va être recueilli, près de sa ville natale, à la Barbotinière, propriété de sa grand-tante. René commence ses études à Poitiers, les poursuit à Tours, mais, dès le baccalauréat en poche, il gagne Paris avec la ferme intention de devenir écrivain. Il écrit des contes, des nouvelles dans des revues La Plume, L’Ermitage et, en 1893, il se décide pour un pseudonyme. Ce sera Boylesve, le nom de sa mère, légèrement modifié. Son premier roman paraît en 1896 : Le Médecin des dames de Néans a pour cadre sa Touraine d’origine et la ville de Descartes y est rebaptisée Néans, tout un programme ! Il est vrai que la vie parisienne est beaucoup plus animée.

René Boylesve aime les femmes et les femmes le lui rendent bien, ses aventures amoureuses sont nombreuses. En 1894, Boylesve découvre l’Italie. Ce n’est pas original, depuis la Renaissance tous les artistes ont traversé les Alpes et Boylesve ne fait pas exception. Ses séjours italiens lui inspireront deux romans : Sainte-Marie-des-Fleurs et Le Parfum des Iles Borromées.

Sainte-Marie-des-Fleurs paraît en 1897. Le titre, inspiré du célèbre  Duomo  de Florence, est le surnom de l’héroïne, Marie. Une jeune fille chaste donc, mais dont l’intelligence, la sensibilité et la séduction ravissent le narrateur, André. Ce dernier, séducteur blasé, trouve rafraichissant cet amour platonique et qui devra le rester, puisque Marie est fiancée à un riche industriel. Les sentiments des amoureux doivent donc être sublimés, et l’auteur choisit pour eux l’écrin de l’Italie, avec Venise, et surtout Florence, où ils peuvent « communier » devant les fresques de Fra Angelico… Les péripéties romanesques sont un peu artificielles, révélant que l’auteur cherche à dramatiser, de façon plus ou moins conventionnelle, avec duel et tentative de suicide, une histoire simple, une idylle condamnée d’avance. Cette histoire est pourtant autobiographique : Marie a vraiment existé, et René Boylesve l’a aimée (de façon platonique, oui, oui), et il a pieusement conservé les lettres et billets de la jeune fille, après les avoir largement utilisés dans son roman ! Cette correspondance de Marie se trouve désormais dans le Fonds Boylesve de la BM de Tours.


Le Parfum des Îles Borromées paraît en 1898. Le texte remanié eut plusieurs rééditions mais c’est, sans conteste, la première qui est la plus intéressante. Longtemps introuvable, cette édition « originale » est désormais accessible grâce au système « reprint » : voir, par exemple la publication des éditions Dodopress… Gabriel Dampierre séjourne à Stresa sur les bords du lac Majeur en compagnie d’un ami anglais : le poète Dante-Léonard-William Lee. Sur le bateau, juste avant d’arriver, Gabriel aperçoit madame Belvidera et il tombe éperdument amoureux. Gabriel et Luisa Belvidera se retrouvent à l’Hôtel des Îles Borromées et, cette fois, la relation n’est pas platonique. Le cadre des îles, les jardins se prêtent à la volupté.


Correspondances © erwan le vourch © hélène Barret

D’autres voyageurs séjournent à l’hôtel : des bourgeois ridicules, les Chandoyseau, un pasteur anglican : le révérend Lovely amoureux de madame Chandoyseau et leurs aventures sont un contrepoint amusant à la frénésie amoureuse de Gabriel et Luisa. Dante, l’ami anglais, se rapproche de Carlotta, la belle marchande de fleurs. Mais l’atmosphère s’assombrit. Carlotta est poignardée par son fiancé jaloux, et le mari de la belle Luisa rejoint son épouse. Gabriel comprend alors que Luisa ne quittera pas son mari et que leur relation ne fut pour elle qu’un agréable divertissement. Il est le dernier à quitter l’hôtel : il avait senti expirer le parfum des Îles Borromées

***

En 1901, René Boylesve épouse Alice Mors, fille de Louis Mors, riche industriel d’origine belge qui, avec son frère Émile, fut un des pionniers de l’automobile, (la firme Mors étant l’ancêtre de la maison Citroën). Marie, la sœur de Boylesve, avait épousé Émile et c’est donc par son intermédiaire que Boylesve rencontra celle qui devint son épouse. La fortune d’Alice, fille unique de Louis, fut sans doute un élément décisif dans le choix de René. Les parents d’Alice firent construire pour le couple un hôtel particulier, rue des Vignes, dans le XVIe arrondissement. Le couple n’eut pas d’enfants. En 1914, quand commence la grande guerre, René et Alice sont à Deauville, dans la propriété des parents d’Alice, la Tour Carrée. Alice, immédiatement, décide de se rendre utile et devient infirmière, René est déprimé, inquiet, et Alice lui présente une jeune femme, Betty Halpérine qui restera à ses côtés quand Alice, lassée des frasques nombreuses de son mari, choisira de s’éloigner définitivement. Le couple ne divorça pas, et conserva des liens amicaux, Alice s’installe à Rébénacq auprès d’un nouveau compagnon qu’elle épousera après le décès de Boylesve. René Boylesve meurt d’un cancer en 1926 et il repose au cimetière de Passy. 

René Boylesve © Hélène Barret

Boylesve a développé quelques thèmes essentiels : l’amour, la méfiance à l’égard du progrès symbolisé par l’automobile, cette invention qui pourtant assura la notoriété de la famille Mors, et les souvenirs de sa Touraine natale, aimée et haïe à la fois. Mais Boylesve n’est pas « un rêveur à la nacelle », il manie l’ironie, souligne les ridicules et il a connu un immense succès avec La Leçon d’amour dans un parc, texte grivois dans la veine des romans licencieux du XVIIIe siècle.

 

îles Borromées © erwan le vourch

L’association des Amis de René Boylesve

En 1951, Émile Gérard-Gailly, ami et exécuteur testamentaire de René Boylesve fonde en collaboration avec l’abbé Marchais et le docteur Edmond Lefort, l’Association des Amis de René Boylesve dont il devient le premier président. Il crée une revue, Les Heures Boylesviennes, publiée régulièrement en octobre au moment de l’Assemblée générale de l’association. Descartes consacre un petit musée à l’écrivain et deux membres de l’association ont contribué cette année à rénover le lieu.

Notre association voyage, et en mai 2010, nous sommes partis vers les Îles Borromées. Le roman venait d’être traduit en italien par Amedeo Ansaldi : Il Profumo delle Isole Borromee.

 

Nous n’avions pas la possibilité de séjourner au Grand Hôtel où résida Boylesve ; plus modestement, nous séjournâmes à Verbania, à quelques kilomètres de Stresa. Mais la persuasion française nous a ouvert les portes de cet hôtel prestigieux avant, la veille du retour, d’être accueillis par le maire de Stresa et d’apprendre qu’une rue de la ville porterait dorénavant le nom de l’écrivain.

 

 Grand Hôtel des îles Borromées, Stresa © Hélène Barret

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vendredi 30 octobre 2020

vendredi 16 octobre 2020

Le Musée René Boylesve, à Descartes, a été "remis en forme" !

Le musée René Boylesve, côté jardin

 Rappelons que le musée possède le bicorne de l'académicien :



mais que l'épée est à la Bibliothèque municipale de Tours, dépositaire du Fonds Boylesve...

Nous n'aurions pas eu les moyens d'acheter le fauteuil 23... dont Dominique Ragot nous a signalé la vente :

"Les célèbres fauteuils verts des immortels font peau neuve ! À l’occasion d’une rénovation historique de la Coupole du quai de Conti, l’Institut de France propose à des particuliers d’acquérir 39 fauteuils d’académiciens. Ces fauteuils, porteront le nom d’un membre de l'Institut ayant pu s’assoir sur ces sièges depuis les années 1980, date des derniers aménagements. Les sommes reçues lors de la vente aux enchères assurée par la maison de vente AuctionArt Rémy Le Fur seront versées à la Fondation Minerve." (Extrait du communiqué de presse, i n s t i t u t d e f r a n c e . f r).

Mais il est vrai que le fauteuil sur lequel Boylesve s'est assis a déjà dû être remplacé plusieurs fois...

Quoi qu'il en soit, notre petit musée, briqué et réaménagé grâce aux efforts de Noëlle Baranger et d'Annie Ragot, a été apprécié par les visiteurs des Journées du Patrimoine. Nous sommes encouragés à enrichir encore les vitrines et les affichages...

Des cimaises ont été installées pour fixer les panneaux qui avaient été exécutés pour l'exposition 2017 à la BM de Tours, sur le thème "René Boylesve et les femmes" (les 4 premiers panneaux récapitulant la vie et l'œuvre de l'écrivain) :




Le bureau de l'écrivain, et une partie de sa bibliothèque.
A droite, au mur, son portrait par J.- E. Blanche (1917)
dont l'original est au musée de Rouen.


Merci à Hélène Barret pour les photos !
Plus de photos prises par Hélène ? voir le lien suivant :
Et, "pour la route", cette image de la salle "des bonnets de dentelles", pour sa perspective lumineuse. Les vitrines sont en cours d'aménagement...

                                                                        Photo d'A. Ragot

jeudi 1 octobre 2020

samedi 12 septembre 2020

Musée René Boylesve (à Descartes) ouvert pour les journées du patrimoine 2020

DESCARTES :

Ouverture du Musée René Boylesve

Samedi 19 et dimanche 20 septembre : 

9 h 30 - 12 h 30 

 14 h -18 h 

Le bureau de René Boylesve, dans son musée, à Descartes...

mardi 1 septembre 2020

Paul Spillebout, digne héritier d'une famille de lettrés...

 Le nom de Gabriel Spillebout, qui fut professeur à l'Université François-Rabelais, est bien connu des membres de longue date de notre association puisqu'il en fut le président. A son décès, son épouse, Annie Spillebout, est devenue présidente d'honneur, et Mme Réault-Crosnier lui a rendu hommage dans une cérémonie de 1998 :

http://www.crcrosnier.fr/articles/spillebouta-hom.htm

Leur fils Paul Spillebout a hérité des talents littéraires de ses parents, et La Nouvelle République du 27 août dernier fait l'éloge de son dernier livre :




Avec nos félicitations, et un peu de nostalgie...

vendredi 10 juillet 2020

La "NR" donne des nouvelles de la carrière d'Artémisia Toussaint !

Les Amis de Boylesve se réjouissent pour Philippe-Emmanuel Toussaint : sa fille Artémisia entre décidément dans "la carrière" !

https://www.lanouvellerepublique.fr/tours/tours-les-tournages-s-enchainent-pour-artemisia?utm_medium=Social&utm_source=Twitter&Echobox=1594281275

Artémisia a le bac !
Extraits de l'article de la NR, signé Delphine Coutier :
[...]
"Aujourd’hui, la jeune comédienne se trouve donc sur le plateau d’ASKIP avec les autres jeunes acteurs et actrices. Un vrai bonheur pour la Tourangelle, qui a trouvé un bon groupe de copains dans cette bande. « Je suis très heureuse de les retrouver et de pouvoir tourner les vingt derniers épisodes », se réjouit-elle.
 Apparemment, la série plaît beaucoup aux jeunes téléspectateurs. Une saison 2 serait déjà en préparation.
Le planning effréné d’Artémisia ne s’arrête pas là, puisqu’elle a été choisie pour faire partie du casting de la série de TF1, Demain nous appartient. « Une nouvelle famille arrive dans l’histoire. Je suis la fille. » Et comme le tournage se fait aussi à Sète, les journées vont être longues pour la jeune pousse. « Le matin, ce sera tournage pour “ Demain nous appartient ” et l’après-midi, je ferai “ ASKIP ”. »
Elle joue la fille de Benjamin Biolay
Et comme les bonnes nouvelles n’arrivent jamais seules et que les tournages reprennent dare dare après le confinement, Artémisia commencera le tournage d’une autre série, Rebecca, toujours pour TF1, avec un casting de première classe. « J’interprète la fille d’Anne Marivin, qui joue le rôle principal, et de Benjamin Biolay. Parmi les autres acteurs, il y a Patrick Timsit, Clotilde Courau, Baptiste Lecaplain ou encore Valérie Kersanti », détaille la jeune actrice.

Le tournage de Rebecca, adaptation française de la série britannique Marcella sur Netflix, devrait commencer en août en région parisienne.
À la rentrée, la Tourangelle devra décider si elle intègre l’école de théâtre parisienne où elle a été acceptée, ou si elle continue les tournages. Choix cornélien !"

samedi 16 mai 2020

Films d'archives extraordinairement restaurés sur Paris 1896(?)-1900, époque de Boylesve !

Une prouesse technique que ces documents d'archives restaurés avec des logiciels "pointus" !
Paris 1896-1900, comme si on y était :


LIEN :
https://www.youtube.com/watch?v=fo_eZuOTBNc
pour la version colorisée...

Exposition universelle 1900, trottoir roulant.


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NB : dans le menu YouTube (qui sera à droite de votre écran) je vous recommande le film sur Paris 1925, avec la restauration de la Tour Eiffel, et les acrobaties des ouvriers...

mardi 5 mai 2020

Si les "Fragments d'un discours amoureux" de R. Barthes donnaient envie de relire "Mon amour" de R. Boylesve...

Incipit de Mon amour.
En exergue :
"Ne pense qu'à charmer ton cœur..."
MIMNERME




Boylesve, Mon amour / Barthes, Fragments d’un discours amoureux


         Nous avions annoncé, dans le message du 28 mars, une petite expérience : relire Mon amour de René Boylesve, à la lumière des Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes. 

Divertissement de confinement…

Soyons clairs : il s’agit seulement d’observer si certaines « pistes » fournies par Barthes (avec tant de finesse, de pertinence et souvent d’humour) permettent (ou non) d’apprécier le « travail » de Boylesve sur le sujet qu’il a choisi de traiter… Pour ceux qui n’ont pas encore lu ce roman ‒ ou qui l’ont déjà oublié ‒, une petite présentation :
Mon amour (1908) est un « journal » où le diariste enregistre (entre le 15 avril et le 25 mars de l’année suivante) la courte histoire de son amour pour « Mme de Pons », une femme mariée, mais provisoirement abandonnée par son mari (un goujat qui lui a volé ses bijoux pour une escapade avec sa maîtresse, une fille vulgaire). Cet « amour » du narrateur pour la belle épouse bafouée se clôt avec le retour du mari repentant, qu’elle accueille avec pitié… Blessé dans son orgueil et ses sentiments, l’amant ne cherche pas à la retenir, le moindre indice d’hésitation de la part de l’aimée suffit à la rendre moins « aimable », le charme est rompu !
Le titre au moins ne triche pas, il annonce une introspection, l’analyse d’un sentiment. Il y a bien une intrigue, mais elle est « de peu de matière », et les péripéties sont infimes. Pour en « faire un livre », l’auteur fait voyager son personnage (Avignon, Normandie, Italie, Aix-les-Bains, Touraine) : les pages s’emplissent de descriptions, de souvenirs variés, c’est presque une anthologie !
Les pages consacrées à l’amour, dans ce « journal », sont donc elles-mêmes une écriture fragmentaire, ce qui laisse à l’écrivain une grande liberté, peut-être un peu trop grande, en vérité. Mais il est amusant de tenter d’utiliser quelques points retenus par Barthes comme une grille, voire un tamis, à la recherche de… ce qui pourrait briller !
Abréviations : MA (Boylesve, Mon amour, Calmann-Lévy, 1908) ; FR (Barthes, Fragments d’un discours amoureux, Ed. du Seuil, 1977).
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MA : Avignon, 15 avril (pp. 2-3) : [À propos de la « Vierge couronnée » d’Enguerrand Charonton] : « Je note pour moi-même, et comme une coïncidence curieuse, que [...] cette conception d’un peintre est le portrait de madame de Pons. »
FR (p 226) Le ravissement « Tantôt, dans l’autre, c’est la conformité d’un grand modèle culturel qui viendra m’exalter (je crois voir l’autre peint par un auteur du passé […]).

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MA : 6 mai (pp. 16-17) : « […] la plupart des femmes sont nées monogames. Leur instinct les voue à un seul homme ; leur prédisposition à ne subir qu’un mâle, un maître unique, est plus forte que leur penchant à l’amour. Elles peuvent faillir à cette vocation d’unité, mais interrogez-les : de leur aveu profond, leur idéal était là. »
FR (p. 20) : L’absent : « […] la Femme est sédentaire, l’Homme est chasseur, voyageur ; la Femme est fidèle (elle attend), l’homme est coureur (il navigue, il drague). C’est la femme qui donne forme à l’absence […] elle tisse et elle chante […] Il s’ensuit que dans tout homme qui parle de l’absence de l’autre, du féminin se déclare : cet homme qui attend et qui en souffre est miraculeusement féminisé. »
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MA : 20 mai (pp. 17-19) : « En me promenant dans Paris, j’ouvre les yeux comme un enfant. […] Il y a des choses que je ne regardais pas. […] Je regarde tout cela, j’y vois des merveilles […]. »
FR (p. 25) : Adorable ! « […] Paris était adorable, ce matin-là […]. Une foule de perceptions viennent former brusquement une impression éblouissante […] »
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         MA : 7 juin (p. 28) : « Chose curieuse : je ne songe pas à être l’amant de madame de Pons ; si je le suis un jour, la force des choses aura déterminé ce dénouement […] »
         FR (p. 265) Tendresse […] « Le geste tendre dit : demande-moi quoi que ce soit qui puisse endormir ton corps, mais aussi n’oublie pas que je te désire un peu, légèrement, sans vouloir rien saisir tout de suite. »
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        MA : 15 juin P 34 : « Je lui tendis la main, pour qu’elle mît pied à terre. Un instant court, presque inappréciable, je l’ai soutenue, elle, tout son corps, par sa main, entre mes doigts… »
       FR (p. 81) Quand mon doigt par mégarde…Contacts. La figure réfère à tout discours intérieur suscité par un contact furtif avec le corps (et plus précisément la peau) de l’être désiré. […] c’est la région paradisiaque des signes subtils et clandestins : comme une fête, non des sens, mais du sens. »
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         MA : 29 juin (p. 39) : « Quelquefois je regarde sa main, uniquement sa main. Je la regarderais des heures… Est-ce que je sais seulement si elle est jolie ? C’est sa main… »
6 septembre (p. 99) : « Elle venait tout entière au-devant de moi, je l’ai vu : sa main, son regard, son visage, sa bouche gonflée de tendres paroles, et ce genou qui pointait sous la robe claire d’été, et ce corps qui venait à moi !... »
        FR (p. 226) Le ravissement : « De l’autre, ce qui vient brusquement me toucher (me ravir), c’est la voix, la chute des épaules, la minceur de la silhouette, la tiédeur de la main, le tour d’un sourire […] »
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         MA : 2 juillet (p. 39) : « Mon amour s’élève ; je monte avec lui. […] Je suis sur le vaisseau en pleine mer ; je suis dans le ballon qui plane… Comment se fait-il que l’amour qu’on a pour une femme vous exhausse au-dessus de vous-même ? »
       FR (p. 223) Le ravissement : « […] tout amoureux qui reçoit le coup de foudre a quelque chose d’une Sabine (ou de n’importe laquelle des Enlevées célèbres. […] »
       FR (p. 39) : Aimer l’amour. « Annulation : Bouffée de langage au cours de laquelle le sujet en vient à annuler l’objet aimé sous le volume de l’amour même : par une perversion proprement amoureuse, c’est l’amour que le sujet aime, non l’objet. »
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     MA : 25 juillet (p. 62) : «  Ces séparations [les vacances] se font comme une opération chirurgicale : on en parle peu à l’avance, juste assez ; le jour et l’heure sont fixés, on se rend à l’endroit voulu, et, en un tour de main, c’est exécuté. Il ne reste plus que la convalescence à traîner en longueur. »
(p. 65) : « […] nous nous serrâmes la main, sans sourire, et sans nous être dit qu’au revoir, au revoir !
Une fois dehors, je fus saisi d’un désespoir à me rouler par terre. »
        FR (p. 111) L’écorché. « Sensibilité spéciale du sujet amoureux, qui le fait vulnérable, offert à vif aux blessures les plus légères. »
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        MA : 27 octobre (p. 173) : « Depuis sept ou huit ans, j’avais conquis la paix,  c’est-à-dire que les plaisirs de l’intelligence dominaient, domptaient presque ceux de la chair et du cœur.
Me voilà ! Je méprise tout : baiser la bouche d’une femme, tout est là ! Et vite, vite, car je me dégrade et meurs tous les jours. »
      FR (p. 225) Le ravissement. « […] je ne tombe jamais amoureux, que je ne l’aie désiré ; la vacance que j’accomplis en moi (et dont tel Werther, innocemment je m’enorgueillis) n’est rien d’autre que ce temps, plus ou moins long, où je cherche des yeux, autour de moi, sans en avoir l’air, qui aimer. »
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    MA : 25 février (p. 223) : « Je me tiens le plus décemment que je peux. Mais comme j’embrasserais quelqu’un qui oserait me dire : Mais pleurez donc, mon ami !... »
       FR (p. 213) Éloge des larmes. « […] en 1199, un jeune moine se mit en route vers une abbaye de Cisterciennes, dans le Brabant, pour obtenir par leurs prières le don des larmes. »

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Pour… ne pas conclure :

On devine aisément le caractère distrayant (mais spécieux) de l’exercice…
Puissent surtout ces fragments de "fragments" donner envie de lire ou de relire ces deux auteurs !
Le choix du "tamis" et celui des "trouvailles" sont évidemment très subjectifs, et le résultat toujours incomplet et provisoire.
Nous ne sommes pas surprise d'avoir confirmé (?) que Boylesve est capable d'explorer le sentiment amoureux, mais la personnalité de son narrateur n'a pas pris (hélas !) plus d'épaisseur, ni de densité, à nos yeux.
Peut-être l'auteur a-t-il voulu associer et confondre deux démarches : l’introspection du personnage imaginaire, et sa propre méditation sur LE sentiment amoureux, dans un assemblage qui sent trop souvent l’artifice, l'écriture... "littéraire", (comme le suggère d'ailleurs la citation du poète grec Mimnerme  mise en exergue)  ?
Un fragment de Roland Barthes pourrait bien, justement, éclairer l'impasse dans laquelle, nous semble-t-il, Boylesve s'est fourvoyé, en faisant "écrire" un diariste :

FR (pp. 112-115) Inexprimable amour. «  Écrire. Leurre, débats et impasses auxquels donne lieu le désir d’exprimer le sentiment amoureux dans une création (notamment d’écriture). […]
Je ne puis m’écrire. Quel est ce moi qui s’écrirait ? Au fur et à mesure qu’il entrerait dans l’écriture, l’écriture le dégonflerait, le rendrait vain. […] Ce qui bloque l’écriture amoureuse, c’est l’illusion d’expressivité : écrivain, ou me pensant tel, je continue à me tromper sur les effets du langage : je ne sais pas que le mot souffrance n’exprime aucune souffrance et que, par conséquent, l’employer, non seulement c’est ne rien communiquer, mais encore, très vite, c’est agacer (sans parler du ridicule). […]
Vouloir écrire l’amour, c’est affronter le gâchis du langage […] »

Dont acte !
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N. B. : pour rendre justice à Boylesve, qui a été mieux inspiré par la suite, il faut rappeler que Mme de Pons réapparaît dans Souvenirs du jardin détruit (1924) en tant que jeune femme autrefois aimée du narrateur ; ce dernier, cette fois, s'intéresse à un "cas d'amour" qui n'est pas le sien : celui du Dr Barégère, très amoureux de son épouse, mais incapable (malgré tous les efforts de sa volonté) de renoncer à sa maîtresse… Une réussite "littéraire" ! (Bois originaux de Maximilien Vox, coll. Le livre moderne illustré Editions Ferenczi ).



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Nouvelle édition augmentée,
 éditée par les Amis de René Boylesve :


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